Toutes les 11 secondes, quelque part dans le monde, une fillette est excisée. Pratiquées dans le monde entier, les Mutilations Sexuelles Féminines peuvent prendre plusieurs formes, mais consistent toujours à altérer ou léser les organes génitaux féminins pour des raisons non médicales. Elles touchent 200 millions de femmes et filles, de l’Afrique à l’Indonésie, de l’Inde au Kurdistan en passant par l’Amérique du Sud, l’Australie, l’Europe, et l’Amérique du Nord. En France, on considère que 60 000 femmes sont excisées et que trois adolescentes sur dix issues de pays dans lesquels cette pratique est répandue (Égypte, Soudan, Somalie, Mali…) risquent de subir cette mutilation génitale.
Les Mutilations Sexuelles Féminines sont pratiquées parce que la jouissance des femmes est encore considérée comme susceptible de troubler l’ordre moral et la société. Elles sont une tentative destructrice de réduire les femmes, les jeunes filles à leur plus petite expression. De garder le contrôle sur la sexualité d’un être que la société considère comme sa propriété.
Sous nos contrées, selon une étude récente du Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes (HCE), une fille de 13 ans sur deux et une fille de 15 ans sur 4 ne sait pas qu’elle a un clitoris. Et 83% des filles et 68% des garçons de 3ème et 4ème, ne connaissent pas la fonction de ce dernier.
Si l’excision qui existe physiquement dans les chairs des unes, fait écho à celle psychique des autres, c’est bien parce que dans un cas comme dans l’autre, il est dénié aux femmes tout intérêt pour leur sexualité, toute accession à leur propre désir. Car nous vivons toujours dans des sociétés où les femmes ne peuvent pas s’intéresser au sexe, domaine communément réservé aux hommes.
Face à ce constat, le sexe des femmes (au sens propre comme figuré) n’est pas une simple question de sexualité ou de plaisir, c’est aussi une question politique. L’excision parle de la force féminine écrasée, dominée, muselée. Elle illustre combien nous sommes depuis trop longtemps dans l’histoire, celles qui semblent toujours avoir quelque chose à perdre dans la sexualité, celles qui subissent le sexe. Ce récit doit changer. Nous devons bien sûr, continuer à mettre à jour ce qui est souillé, caché, meurtri et interdit dans le domaine sexuel et qui est en lien direct avec le corps des femmes, mais aussi nous réapproprier le discours en matière de sexualité, en affirmant le droit des femmes, des mères et des filles, au désir, et au plaisir.
La suppression des MSF ne saurait faire l’économie d’une transmission et d’une affirmation dans nos sociétés, de la légitimité du désir et du plaisir féminin. Elle requiert d’apprendre à nos filles, à parler de leur clitoris, de leur vulve, de masturbation, de volupté et de jouissance. Elle nécessite que nous leur rappelions la joie que peut receler notre corps. La joie d’être femme. Cette joie donnant à chacune, campée dans son corps charnel, le droit d’exprimer un désir qui lui soit propre, d’incarner la volupté qui lui convient.
Rappeler que le corps des femmes n’est ni impur ni sale, qu’il véhicule le divin, le sacré, le beau, la joie, c’est non seulement mettre fin partout à la souffrance et l’ostracisation dont il fait l’objet, mais contribuer à un avenir sexuel meilleur pour les générations à venir.
Il est temps que notre sexe soit pour nous aussi, synonyme d’expression, d’épanouissement et de bien-être. Synonyme du plaisir d’être femme. Et porteur d’une féminité joyeuse et accomplie, manifestation du droit inaliénable pour nous toutes à devenir sujets, plutôt qu’objets sexuels.
Axelle Jah Njiké,
Auteure, Féministe Païenne & créatrice du site parlonsplaisirfeminin.com